La peur de l'inconnu

« Il n’y a que deux conduites avec la vie : ou on la rêve ou on l’accomplit. »

René Char

 

    Parfois, il nous arrive de prendre conscience que notre existence ne convient plus. Besoin d’autre chose, envie d’ailleurs de quitter des repères qui nous étouffent, une vie dans laquelle on se sent à l’étroit. Mais la peur de l’inconnu nous empêche de bouger et quelquefois simplement de penser au changement.

 

    La peur c’est un réflexe primitif qui nous permet d’envisager le danger et surtout de l’anticiper avant d’y faire face. C’est notre instinct de survie qui est en jeu.  Elle est liée à une crainte de ce qui pourrait ou va arriver. Le futur devient l’inconnu qui nous effraie de façon justifié ou non jusqu’à parfois nous paralyser.

    La peur peut  être liée à un évènement traumatisant du passé, de l’enfance souvent oublié mais qui nous fait craindre de revivre un contexte, une situation.

 

    La nouveauté attire autant qu’elle fait peur car nous perdons nos repères  rassurants avant d’en construire d’autres plus ou moins rapidement. En y regardant de plus près je me suis aperçue que j’avais héritée de peurs qui ne m’appartenaient pas, d’un certain atavisme familial où l’on reste accroché à sa terre par peur d’en découvrir une autre et tout ce qui pourrait survenir.

 

    Mais la peur est aussi une croyance qui nous bloque la plupart du temps dans la réalisation de nos désirs, de nos rêves. Et nous imaginons : je ne vais pas y arriver, je suis nul(le), j’ai la trouille, finalement j’ai déjà la chance d’avoir ce que j’ai, pourquoi aller ailleurs, bref on imagine tout et le pire ! Notre mental est très fort pour ça !

« C’est parce qu’on imagine tous les pas qu’on devra faire, qu’on se décourage alors qu’il ne s’agit que de les aligner un à un. »

Marcel Jouhandeau


    Une fois n’est pas coutume, je vais parler de mon expérience et comment j’ai pu vaincre la peur (enfin, l’une de mes peurs). Depuis longtemps je rêvais des tropiques, les plages, les cocotiers oui, d’accord c’est du rêve vendu par les agences de voyage mais derrière tout ça et je l’ai compris plus tard il y avait le désir de réaliser ce que mon père n’avait pas pu faire. Oser s'aventurer là où les générations précédentes ne s'étaient pas risquées.

    

    Je me souviens très bien que depuis enfant mon esprit s'évadait devant les reportages sur les îles lointaines…je me disais que j’aimerais bien connaitre l’une de ces contrées avant qu’il ne soit trop tard. Et surtout, je voulais me prouver que j’étais capable de quitter ma maison, mon lieu professionnel, ma famille, mes amis, mon nid…. facile à dire ! Pendant deux années, j’ai envisagé plusieurs destinations où me rendre, je ne voulais pas lâcher ma profession mais pouvoir exercer ailleurs, ce qui posait déjà des limites. L’idée du voyage avait germée bien avant ces deux années et je me disais qu’il était temps de réaliser mon rêve le plus vite possible car après il serait trop tard.

 

    Une collègue partie avant moi m’a finalement aidée à choisir ma destination : la Réunion. Je suis venue quelques jours en vacances et je me suis décidée, j’ai demandé ma mutation et… je l’ai obtenue ! Plus d’échappatoire possible, je devais me résoudre à partir. Et oui, s’il est aisé de rêver de l’inconnu, s’y confronter est tout autre chose ! Evidemment  j’avais recueilli toute une foule de renseignements auparavant, je ne partais pas vraiment à l’aventure mais quand même, à 9000 kilomètres de mes repères habituels, de mon cocon familial et amical. Pas question de revenir pour un week-end !

 

« Pour réussir dans le monde, retenez bien ces trois maximes : voir, c’est savoir ;

vouloir c’est pouvoir ; oser, c’est avoir. »

Alfred de Musset


    On sait ce que l’on quitte, on ne sait pas ce que l’on trouve même en ayant préparé son départ et son arrivée ! Quitter ce que l’on connait mais qui ne nous convient plus ou pas totalement pour aller vers l’inconnu qui nous tente mais dont on connaît si peu de choses, nous fait traverser une zone très inconfortable, avec parfois la tentation de rebrousser chemin, dans mon cas c’était impossible avant une année.

 

    Au bout du compte, cela fait 6 ans que je me suis installée à la Réunion et j’en suis ravie malgré certaines difficultés rencontrées et l'éloignement des personnes que j’aime . Je suis surtout heureuse d’avoir concrétisé mon rêve, mon projet et d’avoir relevé le défi. J’ai appris beaucoup de choses sur moi et notamment à me faire confiance !

 

    Quitter c’est perdre certaines choses oui, mais c’est aussi découvrir, s’enrichir d’une culture différente; échanger le moins pour le plus, construire des relations. Notre vie est jonchée de ruptures, passer de la maternelle à l’école élémentaire puis au collège, au lycée etc… quitter ses parents, changer de statut, de lieu, de maison,  de profession etc…et apprivoiser ses peurs pour devenir adulte.

 

Si l’aventure vous tend les bras, quelques suggestions :

  • -        Reconnaître ses peurs et les comprendre et éventuellement se faire aider pour les dépasser
  • -        Rêver et surtout oser passer à l’action
  • -        Avant de tout quitter, planifier ce qui peut l’être, s’organiser, se préparer pour son projet, analyser les risques, bref : anticiper !
  • -        Se faire confiance, nous avons des ressources insoupçonnées en nous.